La soutenabilité du numérique s’impose comme un enjeu stratégique pour les régulateurs, les entreprises et, plus largement, la société. L'enquête annuelle "Pour un numérique soutenable" de l’Arcep dresse un tableau détaillé des impacts environnementaux du secteur en France. Retour sur ce travail, salué par la Banque mondiale et l’Union internationale des télécommunications, reste à ce jour une démarche pionnière parmi les régulateurs sectoriels.
Fondée sur les données de 2023, l'édition 2025 de l'enquête de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse s’appuie sur les contributions des opérateurs de centres de données, des fabricants de terminaux, des opérateurs télécoms et, pour la première fois, des équipementiers de réseaux mobiles.
En s’appuyant sur le protocole GHG, l’enquête de l’Arcep mesure les émissions directes (scope 1) et indirectes liées à l’électricité (scope 2), sans inclure pour l’instant le scope 3, plus complexe à évaluer Même partielle, cette approche documente des tendances claires : la progression des centres de données, la dépendance énergétique des réseaux mobiles, et l’impact dominant des terminaux.
Centres de données : une empreinte en forte croissance
Les opérateurs de centres de données figurent parmi les acteurs les plus scrutés. L’Arcep en observe aujourd’hui 21, représentant environ la moitié du marché de la colocation en France. Leurs infrastructures hébergent une part croissante des usages numériques, notamment liés à l'IA générative.
Les résultats sont sans ambiguïté : la consommation électrique du secteur progresse encore, avec une hausse en 2023 de près de 8 %. Les émissions de gaz à effet de serre, majoritairement liées à l’électricité, augmentent d’environ 10 % par an pour la deuxième année consécutive. La consommation d’eau, essentielle au refroidissement, croît quant à elle de 19 % : 681 000 m³, majoritairement d'eau potable, ont été prélevés.
Ces évolutions traduisent la tension entre une efficacité énergétique qui s’améliore légèrement, le PUE moyen passant de 1,51 à 1,46, et une expansion continue des capacités informatiques.

Réseaux télécoms et équipements mobiles : des usages toujours plus énergivores
Du côté des opérateurs télécoms, les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur hausse (+4,2 % sur un an), en décalage avec la baisse globale des émissions en France. Les réseaux mobiles concentrent une grande partie de cette progression, tandis que les réseaux fixes affichent une baisse de consommation grâce à la généralisation de la fibre optique, quatre fois plus efficace que le cuivre.
Les équipements de réseaux mobiles vendus en France en 2023 ont généré 79 000 tonnes équivalent CO₂, soit l’empreinte de près d’un million de smartphones.
Les résultats montrent que les émissions "embarquées" des stations de base des équipementiers sont significatives : l’empreinte carbone d’un site 5G en bande 3,5 GHz est évaluée à 80 % de plus que celle d’un site sans cette bande. Autrement dit, les choix technologiques influencent directement l’impact environnemental des infrastructures.

Les équipements côté clients restent aussi un poste non négligeable. Le parc de box et décodeurs consomme 3,5 TWh, soit cinq fois la consommation des réseaux fixes eux-mêmes. La généralisation des modes de veille profonde et l’écoconception apparaissent comme des leviers encore insuffisamment exploités.
Terminaux numériques : moins nombreux, mais plus gourmands
Les terminaux (smartphones, tablettes ordinateurs, téléviseurs) concentrent environ la moitié de l’empreinte carbone du numérique. Près de 42 % des émissions sont générées dès la fabrication. Les données collectées par l'Arcep indiquent une baisse notable du nombre d’appareils mis sur le marché, tous types confondus, ce qui pourrait contribuer à réduire l’empreinte du secteur.
Mais cette tendance est nuancée par l’augmentation de la taille des écrans. Un téléviseur de plus de 70 pouces consomme six fois plus qu’un modèle inférieur à 33 pouces. Le marché se déplace donc vers des équipements qui, individuellement, pèsent davantage en phase de fabrication comme en phase d’usage. À terme, l’arrivée de nouvelles fonctionnalités intégrant l’IA pourrait stimuler un renouvellement prématuré des terminaux, accentuant encore leur empreinte.
En vue de sa prochaine édition, l'Arcep étend cette année sa collecte de données aux équipementiers de réseaux fixes fabriquant des câbles en fibre optique.