On estime à plus de 100 le nombre de sous-marins furtifs dans le monde, si l’on inclut les SNLE (Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) et les SNA (sous-marins d’attaque) à faible signature acoustique. Leur avantage stratégique pourrait toutefois être fragilisé : des chercheurs chinois ont mis au point un système de lutte anti-sous-marine (ASM) piloté par l’IA, pour détecter et suivre ces sous-marins avec un taux de succès estimé à 95 %, même lorsque ces derniers utilisent des tactiques d’évitement sophistiquées.
 
Relayée par le South China Morning Post et par Korben, la recherche a été menée par l’ingénieur principal Meng Hao et son équipe du China Helicopter Research and Development Institute.
Le système présenté fonctionne comme un "commandant océanique intelligent". Il intègre des données provenant de sources multiples : bouées sonar déployées par hélicoptères, capteurs sous-marins, systèmes radar et données océanographiques comme la température de l’eau et la salinité. Cette fusion de signaux permet au système de constituer une image complète du domaine sous-marin et d’identifier des signatures furtives qui échappent aux méthodes classiques de détection qui reposent sur un seul capteur.
Les opérateurs humains interagissent avec l'ASM via une interface en langage naturel reposant sur un LLM. Cette couche d’interprétation permet une prise de décision rapide, tout en maintenant l’humain dans la boucle. Une nécessité dans un domaine où chaque erreur peut avoir des conséquences stratégiques majeures...
Selon le South China Morning Post, les simulations montrent qu’un tel système pourrait réduire à environ 5 % la probabilité d’évasion d’un sous-marin détecté, ce qui reviendrait à un taux de suivi et d’interception proche de 95 %. Une performance qui, si elle se confirmait en conditions réelles, marquerait un tournant pour la dissuasion navale.

Un effort systémique

Cette recherche s’inscrit dans un effort plus large de la Chine. Plus tôt en 2025, d’autres travaux publiés dans la revue Command Control & Simulation faisaient état de torpilles guidées par IA, capables de distinguer des sous-marins de leurres avec une précision de plus de 92 %. Ces torpilles se déplacent à très grande vitesse sous l’eau grâce à la supercavitation, une bulle de gaz qui réduit la friction hydrodynamique. Leur rapidité et la précision de guidage rendent là aussi les contre-mesures classiques beaucoup moins efficaces.
La furtivité, jusque-là pilier de la dissuasion, pourrait ainsi voir son atout stratégique sérieusement réduit. Face à cette menace, les marines devront développer de nouvelles contre-mesures, concevoir des capteurs plus performants et imaginer des sous-marins à signatures acoustiques et thermiques encore plus faibles.
De son côté, la marine nationale française a son propre programme d'intelligence artificielle au service des oreilles d'or, annoncé par le CIRA (Centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique) en mai 2024.
La généralisation des drones sous-marins et de l'intelligence artificielle embarquée pourrait mener à reconfigurer en profondeur la guerre en milieu sous-marin et par extension le programme de dissuasion nucléaire français.