Alors que l’AI Safety Summit débutera le 1er novembre prochain au Royaume-Uni, le TUC, le Congrès des syndicats britanniques, alerte sur les lacunes actuelles du droit du travail britannique en matière d’intelligence artificielle. Le mois dernier, il a d’ailleurs créé un groupe de travail sur l’IA qui rassemble des spécialistes du droit, de la technologie, de la politique, des ressources humaines et du secteur associatif afin de les combler en proposant de nouvelles protections juridiques.
Fondé en 1868, le TUC (Trades Union Congress), est la principale organisation syndicale du Royaume-Uni, représentant environ 5,5 millions de travailleurs affiliés à 48 syndicats différents. Il a joué un rôle important dans l’histoire du mouvement ouvrier britannique et continue à le faire en défendant les intérêts des travailleurs sur des questions telles que les salaires, les conditions de travail, la santé et la sécurité, l’égalité, la formation, la législation sociale et les droits de l’homme.
En 2021, il publiait un manifeste sur la dignité du travail et la révolution de l’IA exposant les valeurs qu’il considère comme fondamentales pour assurer que la technologie au travail soit au service de tous et réaffirmant l’importance de l’agentivité humaine face au contrôle technologique. Il y proposait également des changements à apporter au niveau législatif, social et syndical pour garantir que l’IA soit réglementée de manière équitable au travail, au bénéfice des employés et des employeurs.
Frances O’Grady, alors secrétaire générale du TUC, pour qui l’utilisation de l’IA au travail se trouvait à la croisée des chemins, déclarait :
“L’IA au travail pourrait être utilisée pour améliorer la productivité et la vie professionnelle. Mais elle est déjà utilisée pour prendre des décisions qui changent la vie des gens au travail, comme qui est embauché et licencié. En l’absence de règles équitables, l’utilisation de l’IA au travail pourrait entraîner une discrimination généralisée et un traitement injuste, en particulier pour les personnes occupant un emploi précaire et l’économie des petits boulots”.
Le groupe de travail sur l’IA du TUC
Appellant à une nouvelle législation “urgente” pour protéger les droits des travailleurs et s’assurer que l’IA profite à tous, le TUC a créé ce groupe de travail qui devrait publier un projet de “loi sur l’IA et l’emploi” début 2024 et fera pression pour que celui-ci soit incorporé dans la législation britannique.
Les travaux du groupe de travail sont dirigés par le TUC et assistés par un comité consultatif spécial composé de membres de Tech UK, du Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD), de l’Université d’Oxford, de la British Computer Society, de l’Ada Lovelace Institute et des syndicats CWU, GMB, USDAW, Community et Prospect. Les députés David Davis, Darren Jones, Mick Whitley et Chris Stephens siégent également au comité.
Coprésidé par Kate Bell, Secrétaire générale adjointe du TUC, et Gina Neff, Directrice exécutive du Minderoo Centre for Technology and Democracy de l’Université de Cambridge, il avertit :
“Si rien n’est fait, cela pourrait conduire à une plus grande discrimination, à une plus grande injustice et à une plus grande exploitation au travail dans l’ensemble de l’économie”
Pour lui, les employeurs achètent et utilisent des systèmes sans en connaître pleinement les implications, par exemple s’ils sont discriminatoires.
Une législation plus stricte nécessaire pour protéger les travailleurs
Le TUC affirme que le Royaume-Uni risque de devenir une “aberration internationale” en matière de réglementation de l’IA, en privilégiant une approche “légère” alors que l’UE et d’autres pays ont déjà rédigé une législation spécifique pour réglementer correctement l’IA au travail.
Pour lui, les cinq principes fondamentaux visant à favoriser le développement responsable de l’IA, tout en encourageant la transparence, la sécurité et l’équité, proposés par le DIST (le Ministère britannique de la Science, de l’Innovation et de la Technologie) en mars dernier n’ont pas force de loi.
Il espère pouvoir faire entendre sa voix au sommet mondial sur l’IA aux côtés des entreprises et des employeurs.
“Le droit du travail britannique est très en retard, ce qui rend de nombreux travailleurs vulnérables à l’exploitation et à la discrimination. Nous avons besoin de toute urgence d’une nouvelle législation sur l’emploi, afin que les travailleurs et les employeurs sachent à quoi s’en tenir. Sans une réglementation adéquate de l’IA, notre marché du travail risque de se transformer en Far West. Nous avons tous un intérêt commun à bien faire les choses”.