Malgré un contexte politique et économique instable, l’écosystème des start-ups de l'Hexagone continue de croître, selon le Baromètre annuel sur la santé économique et sociale des startups françaises publié par l'association France Digitale et EY. Pour la première fois, l’analyse ne se limite pas aux jeunes pousses et aux investisseurs : elle inclut aussi les structures d’accompagnement. Le constat est nuancé : l’écosystème reste moteur d’emploi, de croissance et d’innovation, mais la fragilité du cadre politique et économique questionne sa capacité à maintenir sa compétitivité.
Ces enjeux seront au cœur du FDDAY, rendez-vous annuel de l’innovation organisé par l'association le 17 septembre prochain  à Paris. Startups, investisseurs et décideurs publics y débattront d’une question essentielle : comment sécuriser la compétitivité française et européenne dans un environnement marqué par l’incertitude ?

Une dynamique toujours positive, mais qui ralentit

En 2025, la France compte 16 200 startups, soit 1 200 de plus qu’en 2024.  Si le solde est positif, le rythme ralentit nettement : 3 500 créations nettes avaient été enregistrées l'an passé. Signe préoccupant : certaines régions enregistrent un recul, notamment l’Île-de-France, qui a perdu 200 start-ups en un an.
Côté emploi, l’écosystème représente 1,45 million de postes, dont 500 000 en interne. La hausse (+11,5 % sur un an) confirme sa robustesse, mais est en retrait par rapport à 2023-2024 (+18 %). Le recrutement interne dépasse toutefois les prévisions avec 50 000 nouveaux emplois créés. Reste que le rythme de croissance de l’emploi direct et indirect ralentit fortement (+11,7 % contre +21 % l’an passé), reflet d'un climat économique plus tendu.

Croissance à l’international, fragilité du financement

Le chiffre d’affaires consolidé mondial des start-ups françaises progresse de 16 %, soutenu par les marchés internationaux, en particulier européens. Ce contraste illustre une tendance de fond : les entreprises cherchent de plus en plus leur croissance hors du marché domestique, à la fois plus restreint et plus exposé aux aléas politiques.
C’est sur le terrain du financement que le décrochage est le plus marqué. Au premier semestre 2025, les levées de fonds atteignent 2,8 milliards d’euros, en recul de 35 % en valeur et de 24 % en volume par rapport à 2024. Cette contraction touche surtout les jeunes start-ups en seed ou série A, dont la qualité des dossiers semble se dégrader. Faut-il y voir un effet de correction après les années d’euphorie de la "start-up nation" ou le signe d’une tendance plus durable qui affecterait la capacité d’innovation du pays ?
Franck Sebag, associé EY, commente :
"Dans un contexte économique et politique marqué par une incertitude croissante, la France arrive toujours à attirer de nouveaux talents mais a rencontré de grandes difficultés dans les levées de fonds au cours du premier semestre. Néanmoins, certains secteurs, tels que les logiciels, montrent une certaine résilience et continuent de séduire les investisseurs malgré un repli général. La faculté des entreprises à innover et à s’adapter, en particulier dans les domaines comme l’intelligence artificielle, pourrait transformer profondément le paysage entrepreneurial français dans les années à venir."

L’incertitude politique, un frein majeur

La publication du baromètre intervient dans un contexte de grande instabilité nationale. Pour beaucoup d’acteurs, la chute du gouvernement et les incertitudes budgétaires constituent un risque immédiat. Les start-ups sont en effet dépendantes des financements publics : subventions pour les incubateurs (33 % de leurs ressources), fonds publics dans le capital-risque (20 % des actifs sous gestion), et achats publics (11 % des chiffres d’affaires des start-ups).
La réduction récente de dispositifs phares comme le Crédit impôt innovation, le Crédit impôt recherche ou le statut JEI a déjà produit des effets : perte de trésorerie, baisse des investissements, gels d’embauches. Désormais, 14 % des start-ups envisagent de réduire leurs effectifs, contre 5 % l’an dernier.

Entre tensions internationales et opportunités européennes

Au niveau global, les incertitudes géopolitiques pèsent lourdement : la remise en cause des accords douaniers par l’administration Trump expose les entreprises à des arbitrages difficiles entre maintien de l’accès au marché américain et volonté de soutenir un marché européen plus équilibré. Dans ce contexte, l’attractivité de l’Europe se renforce, notamment grâce aux efforts visant à harmoniser le droit et favoriser une préférence européenne dans la commande publique.
Le renforcement annoncé de la défense européenne peine encore à produire des retombées économiques tangibles. En revanche, les investisseurs commencent à s’adapter à cette nouvelle donne : 13 % des fonds de capital-risque français intègrent désormais une thèse d’investissement dédiée au secteur de la défense.
Maya Noël, directrice générale de France Digitale, conclut : 
"Notre baromètre le montre : malgré les turbulences, le secteur de l’innovation continue de créer de l’emploi et de la valeur. Mais cette résilience n’est pas infinie. La chute du gouvernement envoie un signal d’incertitude supplémentaire à un secteur qui a besoin de visibilité et de stabilité pour investir, recruter et innover. On ne recrute pas sereinement quand on ne sait pas où l’on va, on ne se développe pas dans la durée quand les règles changent sans cesse. Si la France veut rester compétitive face aux États-Unis et à la Chine, elle doit offrir un cadre politique et économique stable."

Retrouvez le baromètre ici