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L’IA est capable de dessiner, de peindre, de copier…aussi d’inventer. Est-elle un artiste comme les autres ?

Les outils de la créativité dans l’histoire : La  mémoire,  la  copie, l’apprentissage    

Au XVIème siècle, de passage à Florence chez Ottaviano de Médicis, le duc Frédéric II de Mantoue admire un tableau de Raphaël représentant le pape Léon X entouré de ses neveux. Arrivé à Rome, le duc parle au pape de ce  tableau et de l’admiration qu’il lui porte. Clément VII propose de lui faire offrir ce portrait, et il écrit dans ce sens à son cousin afin qu’il cède la toile à son prestigieux admirateur. Mais Ottaviano tient à son Raphaël, et n’entend pas s’en séparer si aisément. Il tergiverse et donne l’ordre  dans la plus grande discrétion à Andréa Del Sarto de faire une copie du tableau de Raphaël. L’œuvre terminée, elle est envoyée à Mantoue, en lieu et place du Raphaël. Elle sera admirée par tous, y compris par le peintre Jules Romain, pourtant disciple de Raphaël mais qui se laissera prendre comme tout le monde. L’historien  Giorgio Vasari qui avait assisté à l’élaboration de la copie,  dévoilera bien plus tard l’histoire à Jules Romain, qui nullement troublé, trouva au contraire que la copie était digne d’admiration et ne vit aucun mal à ce transfert. « …..si les ouvrages sont excellents, c’est pure vanité que de s’attacher au nom plus qu’à l’œuvre concrète,  Vasari 1550 AD.»

Dans l’histoire de la peinture et de la calligraphie chinoise, la copie est indissociable de l’apprentissage des arts.  En Chine, il faut tenir compte des constantes interactions entre l’authentique et l’inauthentique : les copies côté à côte avec leurs modèles originaux sont inséparables de la création artistique. De plus  copier un artiste que l’on admire c’est une façon de lui rendre hommage et de se forger un style personnel. Comme en jouant sur une partition musicale, un artiste doit donner vie au pinceau et à l’encre.

« Une peinture sans poésie sera une œuvre dénuée de spiritualité et d’âme. Et un peintre dont la calligraphie est faible produira une peinture sans éclat. »
Fan Zeng

En Occident, l’imitation a été considérée pendant longtemps comme base de l’apprentissage académique et source de créativité. Dans le domaine littéraire on  proposait aux  étudiants  des exercices d’écriture imitative car  le pastiche de grands écrivains et d’œuvres littéraires  aide leur mémoire et  stimule leur imagination.  Le même principe était utilisé dans  l’art visuel dans les écoles européennes. Toute reproduction d’une  œuvre  d’art active  l’observation, la perception  des détails  ainsi que de l’ensemble de la composition. De plus,   l’expérience  acquise par l’imitation de l’existant aide la mémoire  et devient un support pour générer des idées créatives.

Et aujourd’hui ? Comment la  mémoire,  la  copie, l’apprentissage  sont-ils les outils de créativité de l’IA ? 

Le 5 avril 2016 un « nouveau tableau de Rembrandt» a été présenté à Amsterdam :   un programme informatique a  réalisé à la manière du maître un portrait numérique. Peint par une imprimante 3D afin de montrer  les différentes couches de peintures, l’œuvre atteint un tel réalisme qu’il est impossible pour un profane de la discerner de l’original du maître.

Ce tableau  est l’œuvre originale d’un peintre “artificiel”  auquel on a demandé « Dessine-moi à la manière de Rembrandt un portrait d’un homme blanc de 30 ou 40 ans, regardant vers la droite »  L’équipe réunissant des historiens de l’art et des informaticiens était le nouvel  atelier IA de Rembrandt.

La première étape de création a consisté à mémoriser et copier  plus de 300 tableaux de l’artiste afin de constituer une base de données conséquente, précise et distinctive  de son travail. L’algorithme a appris le style du trait, le clair-obscur et la composition des toiles  qui caractérisent les portraits de Rembrandt.

A l’aide d’un scanner 3D  l’algorithme a capté la manière dont l’artiste maniait le pinceau et étalait les différentes couches de peintures. Par la technique de « l’ apprentissage profond » ( deep learning ), il a  appris comment le peintre Hollandais dessinait les yeux, les nez, les bouches, orientait les têtes et les regards, choisissait les lumières,  les  couleurs  et les contrastes.

 Et Rembrandt en regardant cette œuvre aurait-il trouvé comme Jules Romain, que l’œuvre  était digne d’admiration ? Aurait-il félicité son « élève numérique »  qui avait égalé son maître ?

Rembrandt,  comme Breughel, Rubens, Véronèse, Titien, Botticelli et beaucoup d’autres était  à la tête d’un important atelier  de peinture avec un groupe d’élèves et d’apprentis pour réaliser les commandes.   Il supervisait l’élaboration des œuvres, laissant ses élèves peindre le fond d’un tableau ou certains détails en fonction du talent de chacun. L’artiste, quant à lui, achevait la peinture en se réservant les parties les plus nobles. Parfois l’œuvre était entièrement de l’atelier et seule l’approbation du maître suffisait pour qu’elle soit livrée à ses commanditaires.

En Italie les célèbres céramiques de Luca Della Robbia connurent un tel succès qu’il était difficile de satisfaire la demande : l’atelier tournait à plein régime, même après la mort de l’artiste il continua de père en fils à fournir des « Della Robbia » pendant plus d’un siècle!

Le  tableau «The Next Rembrandt»:  est  la création originale  par  un « nouveau disciple » du maitre qui a réalisé une œuvre dans « son atelier virtuel ». Cet atelier,   en activité en  2016, réunit des technologies IA, des scientifiques, des compétences techniques, des connaissances et des savoirs collectifs partagés, d’artistes et d’ historiens, en un mot: l’héritage de Rembrandt.

Certes l’artiste ne peut pas voir ou signer  l’œuvre mais elle représente  le regard collectif après  400 ans de tous les  spectateurs qui ont vu et admiré ses tableaux…elle est son héritage dans l’histoire de l’art occidentale.

L’Intelligence Artificielle est-elle un nouvel outil de création ?

L’exposition “Artistes et Robots” au Grand Palais,  la Foire du Livre de Francfort, la  Satosphère à Montréal,   Ars Electronica à Linz, le centre d’iMal à Bruxelles  et bien d’autres :  des occasions de  s’interroger sur la place de plus en plus prépondérante de l’IA dans la création artistique  et des questions qu’elle  suscite.

Le Portrait d’Edmond de Belamy une œuvre d’art produite par un logiciel d’intelligence artificielle fut vendue chez Christie à 432 500 dollars il y a deux ans.

Il fait partie d’une série de onze portraits représentant une famille bourgeoise fictive des XVIIIe et  XIXe siècle, les Belamy.

Le personnage est représenté de trois-quarts, en veste noire et col blanc, le visage flou. Placé dans un cadre doré de 700 x 700 mm, le portrait est signé d’une formule.

« Le geste de la création est une énigme et un défi.

Au commencement il n’y a rien et puis l’œuvre semble surgir d’elle-même.

Qui de la main ou de l’esprit organise cette mise en scène de lignes, de matières et de masses    lumineuses ?…. Une fois commencé, il va jusqu’à son terme et c’est alors le geste ultime, celui qui affirme que l’œuvre est achevée….

La signature inscrit l’œuvre dans le temps, elle met un terme à l’aventure créatrice. »

Jacques Lefebvre-Linetzky

L’œuvre  une fois terminée, sera signée par l’artiste, mais appartiendra-t-elle à celui qui a eu l’idée, à celui qui l’a exécuté… Ou à tous les deux ? Où se situe la frontière de la créativité ?

Le Portrait de Edmond Belamy a été réalisé par trois jeunes français, le collectif Obvious. Elle est signée par la formule d’un algorithme GAN en hommage à  Ian Goodfellow son inventeur.

Les membres d’Obvious, Hugo Caselles-Dupré, Pierre Fautrel et Gauthier Vernier, expliquent comment ils l’ont produite : “L’algorithme est composé de deux parties. D’un côté, le Générateur, de l’autre, le Discriminateur. Nous avons alimenté le système avec un ensemble de données de 15 000 portraits peints entre le 14e et le 20e siècle. Le Générateur crée une nouvelle image à partir de cet ensemble, puis le Discriminateur essaie de repérer la différence entre une image créée par l’homme et une image créée par le Générateur. L’objectif étant de faire croire au discriminateur que les nouvelles images sont des portraits réels: Nous avons alors un résultat”.

La signature  du Portrait de Edmond Belamy exprime en des termes mathématiques ce combat sans merci entre le  Générateur  et le Discriminateur.

Comme pour toute création  elle inscrit l’œuvre dans le temps, et  met un terme à l’aventure créatrice.

L’algorithme a-t-il  été créatif ? L’algorithme IA  même sans réelle conscience, ni intention propres aux artistes humains a  créé quelque chose qui n’existait pas avant.

De nombreux projets d’intelligence artificielle semblent démontrer que les machines sont capables  d’inventivité, de trouver des solutions innovantes… de créer des œuvres complexes qui rivalisent avec celles créées par leurs créateurs humains. Dans  certains domaines, l’intelligence artificielle a déjà dépassé  la puissance intellectuelle du cerveau humain : la précision et la conservation des données.

 Où se situera la frontière de la créativité ? L’apprentissage profond,  l’explosion quantitative des données numériques, l’internet des objets, le stockage à distance  et surtout  l’IA couplée à la complexité quantique seront capables, non seulement d’augmenter considérablement la rapidité de traitement des données, mais également de prédire et simuler certains processus naturels.

Aujourd’hui  le  «  Le Portrait d’Edmond Belamy est bel et bien humain. Ce sont des humains qui ont choisi les images sur lesquelles l’algorithme s’est basé. Ce sont des humains qui ont inventé et nourri l’algorithme. Ce sont des humains qui voient et interprètent l’œuvre.  Ce sont des humains qui ont choisi le cadre. Ce sont enfin des humains qui assignent une valeur, vendent ou achètent cette œuvre »

Passionnée d’art, Diana Landi est professeur d’université à la retraite, écrivain et artiste mosaïste. Forte de 30 années d’expérience en management interculturel, elle est à sa façon une artiste futuriste qui aide ses interlocuteurs à découvrir les changements à venir, à innover. Une thèse d’État en “innovation de rupture” et une expérience prospective à “The ’Institut for the Future” en Californie font parties des atouts que Diana met au service des projets innovants et interculturels High-Tech ou à ceux concernant le domaine de l’art.

NDLR : Nous vous invitons à découvrir une interview du collectif Obvious, auteur du Portrait d’Edmond de Belamy, et une présentation de leur nouveau projet dans le dernier numéro d’ActuIA.

 


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Contributeur expert

Diana Landi

Mathématicienne, Futuriste, passionnée d’art, Diana Landi est écrivain et
artiste mult

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