Le terme “intelligence artificielle” doit-il faire débat ?

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Le terme “intelligence artificielle” doit-il faire débat ?
Le terme “intelligence artificielle” doit-il faire débat ?

Le terme intelligence artificielle (ou plutôt, sa traduction anglaise, “artificial intelligence”) a été prononcé pour la première fois par John Mc Carthy en 1956.

Ce terme alimente depuis cette date de nombreuses passions et tout autant de fantasmes. Premièrement, il faut être clair : l’intelligence artificielle est souvent distinguée en deux types : IA faible et IA forte. Quand des scientifiques, professionnels ou nous mêmes parlons d’intelligence artificielle de nos jours, nous ne parlons généralement pas d’IA forte, mais d’IA faible, à moins que nous le précisions.

Alors, le terme “intelligence artificielle” est-il adapté ?

Il convient tout d’abord d’analyser la définition des deux mots qui le composent :

Selon le Larousse, le mot intelligence a différentes acceptions :

  • Ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle : Les mathématiques sont-elles le domaine privilégié de l’intelligence ? Test d’intelligence.
  • Aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en fonction des circonstances : Ce travail réclame un minimum d’intelligence.
  • Personne considérée dans ses aptitudes intellectuelles, en tant qu’être pensant : C’est une intelligence supérieure.
  • Qualité de quelqu’un qui manifeste dans un domaine donné un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et qui adapte facilement son comportement à ces finalités : Avoir l’intelligence des affaires.
  • Capacité de saisir une chose par la pensée : Pour l’intelligence de ce qui va suivre, rappelons la démonstration antérieure.

Une intelligence artificielle n’a pas de mental, et donc, pas de fonctions mentales, ce n’est pas une personne. Elle dispose de l’aptitude de s’adapter à une situation, mais choisit-elle réellement des moyens d’action ? ( Elle agit, mais n’utilise que les moyens que nous implémentons) Et surtout, ce n’est pas un être humain. Si l’intelligence artificielle se rapproche vaguement de certains sens du mot intelligence, aucun ne convient parfaitement.

Le Larousse définit comme suit l’adjectif artificiel :

  • Produit par le travail de l’homme et non par la nature : Lac artificiel.Fleurs artificielles.
  • Qui résulte de la vie en société et n’est pas essentiel : Besoins artificiels.
  • Qui n’est pas conforme à la réalité : La psychologie artificielle d’un roman.
  • Qui est affecté, manque de naturel : Sentiments artificiels.

Le mot artificielle convient donc quant à lui parfaitement.

Les alternatives proposées : intelligence augmentée, intelligence numérique…

Il est amusant de constater que les alternatives proposées retiennent généralement le mot “intelligence” auquel est juxtaposé un autre adjectif. Comme nous l’avons vu, des deux mots, c’est bien l’emploi du mot “intelligence” qui s’éloigne le plus de sa définition.

Certains présentent la recherche d’une alternative comme la volonté de trouver une substitution moins effrayante. Mais le principe d’ “Intelligence augmentée”, qui ne fait donc plus de distinction entre le réel et l’artificiel est-il vraiment moins effrayant pour le public ? Quant à l’intelligence numérique, elle vient légitimer une nouvelle forme d’intelligence à part entière alors que nous nous évertuons à répéter que les machines ne sont pas “intelligentes” au sens propre du terme.

Alors, le terme “intelligence artificielle” peut-il être jugé adapté…?

Pour le savoir, il faut se pencher sur la nature de l’expression “intelligence artificielle”. Il s’agit de ce que les linguistes appellent une collocation. C’est-à-dire, une expression faite de termes co-occurrents menant à une désémantisation partielle ou totale de l’un de ses constituants.

Dit plus simplement, les collocations sont des suites de mots, dont le sens débouche, quand on les emploie ensemble, sur un sens différent de la somme des sens de ses constituants.

Un exemple : poids lourd.

On comprend qu’il s’agit généralement d’un camion, pourtant aucun de ces termes ne désigne un camion.

Il existe de nombreux autres exemples : Un livre blanc est-il forcément blanc ? Une peur bleue est elle bleue ? Qu’est-ce qu’un casier judiciaire ? et un coup franc ?

L’un des termes prend un sens imagé. Dans “intelligence artificielle”, “intelligence” est une simple allégorie de l’intelligence.

Le public n’est pas bête.

Attribue-t-on les mêmes propriétés aux plantes artificielles qu’aux plantes naturelles ? Nous savons tous qu’une plante artificielle est inodore, ne pousse pas, ne donne pas de graines. C’est une pâle copie destinée à ressembler vaguement à une plante naturelle. Il en est de même pour l’intelligence artificielle.

Le problème de l’intelligence artificielle ne réside pas dans son nom, mais dans ses facultés fréquemment exagérées dans un objectif marketing.

Pour nous, le terme intelligence artificielle ne fait donc pas débat, à condition que l’on ait conscience de cette désémantisation. Ce n’est pas parce qu’une machine n’est pas intelligente au sens propre du terme qu’elle ne peut pas être dotée d’intelligence artificielle. Il convient simplement de prendre le temps de bien définir ce qu’est l’intelligence artificielle.