Un système de conduite autonome plus interactif pour plus de sécurité

Une équipe réunissant des scientifiques de l’EPFL et de JTEKT Corporation a mis au point un système de conduite automatisée basé sur le concept de « guidage collaboratif », qui vise à renforcer la sécurité, l’efficacité et le confort des transports en encourageant une interaction active entre les véhicules autonomes et leurs conductrices et conducteurs.

Les technologies de conduite autonome sont déjà intégrées dans de nombreux véhicules fabriqués en série. Un système comme Drive Pilot peut dans certaines conditions contrôler la vitesse, la distance et guider le véhicule dans sa voie. Si le conducteur n’a pas à garder les mains sur le volant lorsque Drive Pilot est activé, il doit cependant être prêt à reprendre le contrôle du véhicule à tout moment

Laisser à l’automatisation une trop grande partie du contrôle d’un véhicule peut néanmoins s’avérer dangereux : les conducteurs se reposent sur elle et leur manque d’implication peut augmenter le risque d’accident.

Jürg Schiffmann, responsable du Laboratoire de conception mécanique appliquée de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPF, membre de l’équipe de recherche, explique :

« Les véhicules actuellement sur le marché sont soit manuels, soit automatisés. Il n’existe pas de moyen clair de faire de leur contrôle une expérience vraiment partagée. C’est dangereux car les conducteurs ont tendance à se reposer sur l’automatisation ».

Depuis février 2019, JTEKT, fournisseur japonais de systèmes de conduite, en collaboration avec un groupe dirigé par le professeur Jürg Schiffmann et le professeur. Hannes Bleuler, de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), a mené une série d’études sur la technologie de commande de direction collaborative entre le conducteur et le système de conduite automatisée.

Ils ont ainsi développé et testé sur route un système de conduite automatisée basé sur l’haptique (le sens du toucher) et intégrant différents modes d’interaction être humain-robot. Les chercheurs espèrent que leur approche permettra d’augmenter non seulement la sécurité de la conduite automatisée, mais aussi son acceptation par la société.

Tomohiro Nakade, doctorant à l’EPFL et chercheur au JTEKT, qui est également l’auteur principal de l’article consacré à cette étude :

« Cette recherche était basée sur l’idée que les systèmes d’automatisation devraient s’adapter aux conducteurs humains, et non l’inverse. Une personne au volant doit pouvoir communiquer avec son véhicule, tout comme un cavalier transmet son intention à son cheval par les rênes ».

Une interaction permanente conducteur – automatisation

Alors que les systèmes de conduite automatisée actuels n’utilisent que des caméras pour les données sensorielles, l’équipe a opté pour une approche plus globale intégrant des informations provenant de la colonne de direction d’une voiture. Elle encourage d’ailleurs également une interaction permanente entre la conductrice ou le conducteur et l’automatisation, contrairement aux systèmes automatisés actuels, qui sont généralement soit activés, soit désactivés.

Robert Fuchs, ancien doctorant à l’EPFL et désormais Directeur général de la R&D au sein de JTEKT Corporation, indique :

« Dans le domaine de l’automatisation en général, lorsque les êtres humains se contentent de surveiller un système sans y participer activement, ils perdent leur capacité de réaction. C’est pourquoi nous avons voulu améliorer l’implication des conductrices et conducteurs par l’automatisation ».

Le système mis au point par les scientifiques y parvient grâce à trois fonctionnalités: l’interaction, l’arbitrage et l’inclusion. D’abord, le système distingue quatre types d’interaction être humain-robot :

  • la coopération (l’automatisation aide l’être humain à atteindre un objectif);
  • la coactivité (l’être humain et l’automatisation ont des objectifs différents, mais leurs actions ont des répercussions sur l’autre);
  • la collaboration (l’être humain et l’automatisation s’entraident pour atteindre des objectifs différents);
  • la compétition (les activités de l’être humain et de l’automatisation sont en opposition).

Lorsqu’une personne conduit le véhicule, le système arbitre ou passe d’un mode d’interaction à un autre en fonction de l’évolution des conditions routières : pour éviter un risque de collision soudaine, la voiture peut ainsi passer du mode collaboration au mode compétition pour éviter un risque de collision soudaine.

D’autre part, le système intègre une fonction d’inclusion : il recalcule la trajectoire du véhicule lorsque le pilote intervient. Si, par exemple, ce dernier tourne le volant, il ne  perçoit pas cette manœuvre comme une annulation et ne se désactive donc pas.

Un concept pragmatique

Quatre expériences ont été menées sur différentes configurations pour tester et valider le cadre de contrôle proposé : conducteur virtuel, conducteur humain, simulateur de conduite et véhicule d’essai.

Les chercheurs ont ainsi mis au point des expériences impliquant un conducteur virtuel simulé et un conducteur humain utilisant un système de conduite assistée détaché, un simulateur de conduite complet, et également des essais sur le terrain avec un véhicule d’essai modifié. Les essais sur le terrain ont été réalisés avec la participation de cinq conductrices et conducteurs sur un parcours d’essai de JTEKT dans la préfecture de Mie au Japon, en connectant le système à une berline standard via un contrôleur externe.

L’équipe a testé spécifiquement l’expérience des personnes au volant en matière de souplesse de la direction et de facilité de changement de voie. Leurs résultats ont confirmé le potentiel important du système pour augmenter le confort et réduire l’effort au volant grâce à la direction collaborative.

Jürg Schiffmann, pour qui le système basé sur un logiciel peut être intégré à des voitures standard fabriquées en série sans aucun équipement spécial, déclare :

« C’est un concept très pragmatique. Il ne s’agit pas de faire de la recherche pour les besoins de la recherche. C’est également un bel exemple de partenariat bénéfique entre notre laboratoire et l’équipementier JTEKT, avec lequel l’EPFL travaille depuis 1998 ».

Sources :
Celia Luterbacher EPFL

« Haptics based multi-level collaborative steering control for automated driving ». Commun Eng 2, 2 (2023). https://doi.org/10.1038/s44172-022-00051-2

  • Tomohiro Nakade, Robert Fuchs, JTEKT
  • Hannes Bleuler, Jürg Schiffmann, EPFL
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