Retour sur la création de LaborIA pour mieux mesurer l’impact de l’IA dans les entreprises

LaborIA Inria Matrice

Le 19 novembre dernier, Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion s’est rendue à l’institut d’innovation Matrice pour signer avec Bruno Sportisse d’Inria une convention et créer un laboratoire dédié à l’intelligence artificielle. Baptisé LaborIA, opéré par Matrice, ce centre de ressources et d’expérimentations aura pour mission de “mieux cerner l’intelligence artificielle et ses effets sur le travail, l’emploi, les compétences et le dialogue social afin de faire évoluer les pratiques des entreprises comme l’action publique”.

Selon le rapport “Perspectives de l’emploi” de l’OCDE en 2019, les emplois moyennement qualifiés sont de plus en plus exposés à des transformations profondes. Au cours des 15 aux 20 prochaines années, le développement de l’automatisation pourrait conduire à la disparition de 14 % des emplois actuels, et 32 % supplémentaires sont susceptibles d’être profondément transformés.

Accompagner les transformations de l’IA sur le travail

Le rapport stipule que l’avenir du travail est entre nos mains et dépendra, dans une large mesure, des choix de politiques publiques que feront les pays. C’est la nature de ces politiques, et notre capacité à exploiter le potentiel de changements numériques et technologiques sans précédent tout en relevant les défis qu’ils posent, qui déterminera notre réussite ou notre échec

C’est dans ce contexte que le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion et Inria s’associent pour créer un centre de ressources et d’expérimentations sur l’intelligence artificielle dans le milieu professionnel avec comme objectif d’accompagner ces transformations et y préparer les entreprises et les salariés.

LaborIA devrait permettre de mieux appréhender l’intelligence artificielle et son impact sur le travail, l’emploi, les compétences et le dialogue social, dans l’objectif de faire évoluer les pratiques des entreprises et l’action publique.

Elisabeth Borne a déclaré :

“Les transformations que connait notre société, comme les transitions numérique et écologique, ont un impact qui s’observe concrètement dans notre vie quotidienne. Le monde du travail ne fait pas exception et cela va s’amplifier dans les prochaines années avec l’essor, par exemple, de l’intelligence artificielle. Elle modifiera profondément la manière de produire, de recruter et même d’organiser le dialogue social. Nous lançons aujourd’hui ce programme de recherche inédit, en partenariat avec Inria et l’Institut Matrice, pour appréhender ces changements et y préparer au mieux les entreprises et les travailleurs.”

Une initiative dans l’axe du PMIA

Ce déplacement fait suite au second sommet du PMIA (le partenariat mondial pour l’IA ou GPAI en anglais) qui s’est tenu à Paris les 11 et 12 novembre 2021. Le PMIA est l’aboutissement d’une idée développée au sein du G7, sous les présidences canadienne et française. Il a été lancé en 2020 par 15 États membres fondateurs.

Aujourd’hui les 25 membres du PMIA sont l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, le Brésil, le Canada, la République de Corée, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, l’Inde, l’Irlande, Israël, l’Italie, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, le Royaume-Uni, Singapour, la Slovénie, la Suède et l’Union européenne.

Cette initiative vise à combler le fossé entre la théorie et la pratique sur l’IA en soutenant la recherche de pointe et les activités appliquées sur les priorités liées à l’IA. Lors de ce dernier sommet, se sont réunis des experts internationaux de l’IA, issus de la société civile, du monde universitaire, de l’industrie et des gouvernements, y compris les délégués ministériels des membres du PMIA. Ils y ont présenté les résultats de leurs travaux de groupe et échangé sur un développement responsable de l’IA.

L’un des groupes de travail est consacré à la thématique : Avenir du travail. Il est affilié au Centre d’expertise du PMIA de Paris, hébergé par INRIA. Il mène entre autres des analyses sur la manière dont l’IA affecte et affectera les travailleurs et leur environnement. La création de LaborIA répond aux recommandations du groupe consacré à l’avenir du travail et entre dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’IA

Le programme LaborIA

Le programme LaborIA doit d’abord envisager le rapport des entreprises et des acteurs publics à l’intelligence artificielle, puis, dans un second temps, déployer des expérimentations concrètes, sur le lieu de travail, concernant des thématiques diverses: conditions de travail, recrutement, évolution des compétences, dialogue social technologique, etc.

Il vise également à créer un lieu de débats et d’échanges entre tous les acteurs de la société civile, partenaires sociaux et décideurs publics. D’une durée de cinq ans, LaborIA est financé par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion et opéré par Matrice, Centre de formation et de reconversion aux métiers du numérique et à l’entrepreneuriat. Ses axes de travail :

  • Construction d’un baromètre sur l’intelligence artificielle au travail sur la base d’une enquête réalisée auprès d’entreprises entre novembre 2021 et avril 2022, afin de faire le point sur le déploiement de ces nouvelles technologies dans le monde du travail et de leur impact sur les entreprises et les travailleurs.
  •  Formalisation avec les entreprises de projets concrets mobilisant l’intelligence artificielle en parallèle de l’enquête.
  •  Lancement des expérimentations dès septembre 2022. D’une durée de six mois, elles permettront de faire des recommandations pouvant être étendues à d’autres entreprises.

Les enjeux de l’IA sur l’emploi et les compétences

Le développement de l’intelligence artificielle entraîne l’automatisation d’un grand nombre de tâches et modifiera donc les métiers et les entreprises. Cette transition technologique importante pourrait ainsi impacter la majorité des actifs et en particulier les populations les plus fragiles, concernées par les métiers dont les tâches seraient automatisables. Il existe une fracture numérique dans l’accès aux nouvelles technologies, qui génère des inégalités en fonction de l’âge, du sexe et de la situation socioéconomique.

En tout état de cause, l’IA devrait aussi conduire à une nouvelle distribution du travail entre l’homme et la machine, génératrice de nouveaux emplois et sur la base de compétences nouvelles.C’est cette complémentarité hommes-machines qui, selon Cédric Villani, est au cœur des priorités. Elle gagnerait à être développée autour de deux objectifs : être saine (notamment au regard des enjeux éthiques) et permettre à l’être humain de développer ses compétences.

En miroir des 4 critères définissant le caractère automatisable d’une tâche, il est possible de définir les compétences à développer pour aller vers une complémentarité capacitante hommes-machines :

  • Les capacités cognitives transversales (compréhension du langage, des nombres, capacité de résolution de problèmes, etc.) ;
  • Les capacités créatives ;
  • Les compétences sociales et situationnelles (travail en équipe, autonomie…) ;
  • Les capacités de précision relatives à la perception et à la manipulation (telles que la dextérité manuelle par exemple).

Ces transformations et leurs conséquences doivent être anticipées.

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