Exposition « Entrez dans le monde de l’IA » : dépasser les clichés de l’IA

Les stratégies de l’IA sont au cœur de la recherche d’Aurélien Garivier, professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, membre de l’UMPA et associé au LIP. Motivé par la démystification de cette discipline, le chercheur s’est fortement impliqué dans l’exposition Entrez dans le monde de l’IA.

À cheval entre les mathématiques et l’informatique, Aurélien Garivier fait le lien entre les deux. « L’informatique m’a toujours intéressé. Mon père, professeur de français, avait acheté un TO8 pour taper ses cours. Je devais avoir une dizaine d’années et il me laissait jouer avec. J’avais appris un peu tout seul à programmer, alors que lui ne le faisait pas du tout. Je faisais de la musique et des jeux avec. » Aurélien développe ainsi une aisance avec les concepts fondamentaux de l’informatique et reçoit plus tard, en classe préparatoire, une bonne formation en mathématiques. Ses travaux de thèse viendront combiner pour la première fois ces deux disciplines. Un beau parcours passant par Paris et Toulouse mène le chercheur à son poste actuel de professeur à l’ENS de Lyon.

Le poste qu’occupe actuellement Aurélien a été créé pour faire le pont entre deux laboratoires, d’une part l’UMPA (laboratoire de mathématiques) et d’autre part le LIP (laboratoire d’informatique), autour de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique. Son rôle est notamment d’animer et de coordonner les actions sur l’IA.

Son travail porte plus particulièrement sur un aspect spécifique de l’IA. « Je m’intéresse tout spécialement à ce que l’on appelle l’apprentissage par renforcement et l’apprentissage séquentiel. Ils ont en commun une interaction en boucle entre les données et la personne qui les utilise pour faire des choix. À partir des données on construit des décisions qui conditionnent les nouvelles observations », précise Aurélien. Pour comprendre cette interaction, faisons un parallèle avec un robot qui se trouve dans un labyrinthe.
Au début, il ne connaît presque rien : il sait juste quel est son objectif, par exemple sortir du labyrinthe. Il va progressivement découvrir son environnement et ajuster sa façon de se déplacer pour remplir son objectif. Aurélien s’intéresse aux meilleures stratégies possibles pour un tel robot et aux limites infranchissables qu’aucune stratégie ne pourra jamais dépasser.

« L’IA est la capacité de rendre un système automatique autonome, comme les
êtres vivants. Une IA doit être capable de percevoir son environnement (par
exemple avec la vision par ordinateur), agir (par exemple avec la robotique) et
avoir des stratégies. »

Aurélien s’inscrit dans une recherche fondamentale, il regarde des modèles qui sont relativement simples. Ils ne sont pas très réalistes mais il les étudie avec une grande précision. Cela permettra, lorsqu’on sera confronté à des modèles plus compliqués, de s’inspirer de ce qu’on a bien compris sur les modèles simples.

Un écart entre théorie et pratique

À ce stade quelque chose peut vous sembler incohérent : les ordinateurs savent déjà reconnaître des chats tout seuls mais il faut encore étudier des modèles peu réalistes… Ce n’est, en réalité, absolument pas incohérent. Après une histoire complexe, la pratique a pris ces dernières années beaucoup d’avance sur la théorie en IA. « La puissance des réseaux de neurones profonds et une découverte scientifique expérimentale qu’il s’agit de rattraper d’un point de vue théorique. On comprend récemment un peu mieux ce qui se passe, mais les résultats théoriques restent malheureusement assez limités quant à leur portée pratique », raconte Aurélien. Ce qui a fait avancer l’IA ce sont des idées d’algorithmes inspirés du cerveau (par exemple avec les neurones artificiels) qui fonctionnent très bien et donnent des résultats. Actuellement, il y a un effort de recherche qui vise à comprendre les vraies raisons qui font marcher ces méthodes et comment les optimiser.

Une image plus réelle de l’IA

Aurélien Garivier est un des commissaires scientifiques de l’exposition Entrez dans le monde de l’IA, aux côtés de Alexei Tsygvintsev. Un rôle essentiel que vous ne connaissez peut-être pas. « Il faut coordonner la discussion entre les rédacteurs des textes, les personnes qui conçoivent les éléments physiques de l’exposition et les scientifiques. Ensemble, on a déterminé les grandes orientations de l’exposition, notamment démystifier et donner au public une vraie idée de ce qu’est l’IA », explique le chercheur. L’IA est un sujet sur lequel nous entendons de nombreux discours, notamment dans les médias. Pourtant, les progrès dans le domaine sont portés par le milieu académique. « Il faut que les scientifiques assument leur mission visà-vis du public. Expliquer en quoi consiste le domaine, ce qu’il faut craindre et ce qu’il ne faut pas craindre. Comprendre qu’il y a énormément de défis passionnants dans lesquels on peut s’investir. »

Une expérience nouvelle et intéressante qui a permis de réunir des personnes d’horizons très différents et faire le point sur ce qui est important à connaître sur l’IA. Loin de sa pratique habituelle de chercheur, Aurélien a pu voir comment des idées se transforment en outils de communications concrets accessibles à toutes et à tous. L’IA est une technologie qui a pris une importance nouvelle et qui a désormais un impact fort dans nos vies. L’exposition présente cet outil puissant qu’il est nécessaire de comprendre, loin des
fantasmes de la science-fiction.

Information et réservation : https://mmi-lyon.fr/

Propos recueillis par Nina Gasking

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