Il a fallu 150 jours à Spotify pour atteindre un million d’utilisateurs, 75 jours à Instagram et seulement cinq jours à ChatGPT. Cette accélération vertigineuse pousse les entreprises à accorder une importance croissante à l’innovation qui est en 2024 plus que jamais au cœur de leurs priorités. Cependant, malgré cette prise de conscience, elles peinent à transformer cette priorité en résultats concrets.
Le récent rapport publié par le Boston Consulting Group (BCG), intitulé Innovation Systems Need a Reboot, révèle en effet un paradoxe préoccupant : bien que 83 % des dirigeants considèrent l’innovation comme une priorité absolue (90 % en France), seules 3 % des entreprises sont aujourd’hui véritablement en position d’innover activement. En 2021 et 2022, elles étaient 20 %, chiffre qui avait chuté à 9 % l’an passé et qui continue donc à décroître, en raison de systèmes d’innovation inefficaces.
Un fossé entre l’ambition et la capacité d’innovation
Cette étude, réalisée auprès de 1 000 dirigeants répartis dans 30 pays et 19 industries, vise à évaluer les capacités d’innovation des entreprises. Parmi les dirigeants interrogés par BCG, moins de la moitié (48 %) estiment que leur organisation fournit des efforts pour lier ses priorités stratégiques et sa capacité d’innovation, et seulement 12 % que les deux avancent de pair.
Selon le rapport, les entreprises qui alignent leurs efforts d’innovation avec leur stratégie globale voient une augmentation de 74 % des revenus provenant de nouveaux produits par rapport à celles dont le lien entre stratégie et innovation est faible, et de 5 points de pourcentage à la moyenne de l’échantillon.
Selon BCG, il est crucial pour les entreprises de réintégrer la stratégie d’entreprise dans leurs efforts d’innovation pour maximiser les résultats et assurer la pertinence et l’efficacité de leurs projets.
Mikaël Le Mouëllic, Directeur associé au BCG, commente :
“Nous observons un manque d’engagement de la part des équipes dirigeantes. Les opportunités d’innovation technique et produit ne sont pas suffisamment analysées au regard des priorités stratégiques. Un certain nombre d’organisations se laissent emporter par des tendances à la mode, sans stratégie claire pour concentrer leurs efforts”.
Les défis majeurs de l’innovation
L’un des principaux obstacles identifiés par les dirigeants est le manque de stratégie claire en matière d’innovation. Bien que ce soit une priorité, 52 % des dirigeants interrogés citent ce manque comme l’un des trois défis principaux de leur organisation (47 % en France). De plus, seulement 30 % des entreprises prévoient une actualisation de leur stratégie d’innovation en 2024, contre 36 % en 2022. Dans un contexte macro-économique et géopolitique tendu, les efforts se concentrent davantage sur l’optimisation des processus liés à l’efficacité et à la rapidité des modèles opérationnels (70 % des entreprises).
Parmi les autres freins, 47 % des dirigeants mentionnent la hausse des coûts du capital (40 % en France) ainsi que les difficultés de recrutement de talents (44 % globalement, 43 % en France). En France, 43 % des dirigeants évoquent également l’absence d’une gouvernance robuste, contre 27 % dans le reste du monde.
La GenAI : un levier sous-exploité
L’intelligence artificielle générative est identifiée comme l’une des principales priorités d’investissement technologique pour 2024 par 89 % des dirigeants interrogés dans une précédente étude du BCG. Pourtant, son adoption à grande échelle reste limitée : une grande majorité des leaders attendent encore qu’elle dépasse le battage médiatique pour se l’approprier ou se contentent d’expérimentations limitées.
Ainsi, bien que 86 % des entreprises expérimentent la GenAI dans leurs projets d’innovation (77 % en France), seulement 8 % l’utilisent à grande échelle (3 % en France).
Mikaël Le Mouëllic conclut :
“L’intelligence artificielle générative présente un potentiel considérable pour transformer les processus d’innovation et permettre le développement de nouveaux produits, services et technologies. Toutefois, la plupart des entreprises n’ont pas encore identifié et mis en œuvre les opportunités les plus intéressantes. Sans boussole stratégique, les départements R&D risquent de s’essouffler et sous-performer”.
Retrouver le rapport ici.