IA et lutte contre la haine : les recommandations du panel de citoyens à la Commission européenne

Le mois dernier, lors de la session finale du panel de citoyens européens sur la lutte contre la haine dans la société, 150 citoyens européens ont adressé 21 recommandations à la Commission européenne et aux autorités nationales afin de lutter contre la haine sous toutes ses formes et de favoriser le respect mutuel. La modération de l’IA pour les plateformes en ligne en fait partie.

Pour la Commission :

“Toutes les formes de haine et d’intolérance sont incompatibles avec les valeurs de dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’état de droit et de respect des droits de l’homme, consacrées par le traité sur l’Union européenne”.

Elle a mis en place en 2016 un code de conduite visant à lutter contre les discours de haine
illégaux en ligne auquel ont adhéré dans un premier temps Facebook, Microsoft, Twitter et YouTube puis Instagram, Google, Snapchat, Dailymotion et Jeuxvideo.com. L’évaluation des discours haineux qui leur sont notifiés par les internautes et une suppression rapide des contenus illégaux figurent parmi leurs engagements.

Věra Jourová, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence déclarait en 2020 lors d’une évaluation de cet instrument :

“Le code de conduite reste un exemple de réussite pour lutter contre les discours de haine illégaux en ligne. Il a permis des améliorations qui étaient urgentes tout en respectant pleinement les droits fondamentaux. Il a créé de précieux partenariats entre les organisations de la société civile, les autorités nationales et les plateformes informatiques”.

Elle ajoutait :

“Il est temps à présent de veiller à ce que toutes les plateformes aient les mêmes obligations au sein de l’ensemble du marché unique et de clarifier, sur le plan législatif, les responsabilités des plateformes afin de garantir aux utilisateurs une plus grande sécurité en ligne. Ce qui est illicite hors ligne l’est aussi en ligne”.

L’entrée en vigueur du DSA

Le DSA (Digital Services Act), après avoir été appliqué en août 2023 aux grandes plateformes comptant de plus de 45 millions d’utilisateurs au sein de l’UE ainsi qu’aux moteurs de recherche, s’adresse depuis février dernier à toutes les plateformes en ligne à l’exception des petites et microentreprises employant moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions d’euros. Il exige entre autres qu’elles publient un rapport sur leurs procédures de modération de contenu au moins une fois par an.

La Commission a d’ailleurs ouvert en avril dernier une procédure formelle afin de déterminer si Meta, qui détient Facebook et Instagram, a enfreint ce règlement.

Un panel de citoyens dédié à la lutte contre la haine

En décembre dernier, la Commission et le haut représentant ont adopté une communication conjointe intitulée “Pas de place pour la haine: une Europe unie contre toute forme de haine“, qui incite à redoubler d’efforts pour lutter contre la haine. On peut y lire :

“Il apparaît clairement que la haine de manière générale a connu une recrudescence ces dernières semaines. La haine engendre la haine: elle constitue une force destructrice, pas uniquement pour certaines communautés, mais pour nous tous. La haine représente une menace pour notre société et notre démocratie. Nous ne pouvons accepter que des citoyens soient empêchés de jouer pleinement leur rôle en raison de leur apparence, de leurs convictions, de la personne qu’ils aiment ou de leurs origines”.

La création de ce panel de citoyens européens consacré à la lutte contre la haine dans la société est une des réponses à cette communication.

Les recommandations du panel

Pendant trois week-ends, 150 citoyens sélectionnés de manière aléatoire, représentant les 27 États membres de l’UE, se sont réunis pour discuter des divers facteurs et causes de la haine dans l’UE ainsi que des moyens de les combattre, tant physiquement qu’en ligne.

Outre la modération de l’IA pour protéger les médias sociaux contre les discours de haine, les recommandations du panel sont les suivantes:

  • Sensibilisation accrue concernant les mesures prises et existantes et les mesures correctives visant à lutter contre la haine grâce à une campagne publique ;
  • Création d’une plateforme à l’échelle de l’UE qui combine les informations, les ressources et les mesures relatives à la haine ainsi que les systèmes de soutien aux personnes touchées ;
  • Carte européenne pour surfer en toute sécurité ;
  • Formation à la tolérance (T4T) ;
  • Renforcement des compétences sociales et émotionnelles des enfants et des jeunes pour prévenir la haine ;
  • Éducation de toutes les générations pour toutes les nations sur la communication non violente ;
  • Aide publicitaire contre la haine ;
  • Fiabilité, faits et transparence: vérification et clarification du financement des informations ;
  • L’Europe vous rencontre: médias participatifs pour les citoyens ;
  • Lutter contre l’anonymat en ligne pour lutter contre la haine ;
  • Une Europe, une définition: criminaliser les discours de haine ;
  • Éclatement de la bulle: promouvoir des perspectives divergentes sur les médias sociaux ;
  • Contribution au retour à la notion de vie ;
  • Création d’un comité de confiance indépendant ;
  • À la recherche des citoyens: lutter contre les inégalités sociales face à la lutte contre la haine dans l’UE ;
  • Office national de lutte contre la haine dans les États membres ;
  • Protocole européen de réponse efficace pour les notifications de crimes de haine ;
  • Diffusion d’une culture du débat dans les écoles grâce aux panels de citoyens ;
  • Création de panels de citoyens européens pour les jeunes (16-25 ans) pour lutter contre la haine ;
  • Développement des services civiques volontaires dans les communautés locales pour adultes.

Věra Jourová conclut :

“Nous assistons à un fleuve de messages haineux de plus en plus nombreux, en particulier en ligne. Elles viennent s’ajouter à une polarisation croissante de nos sociétés et à la fracture démocratique. Dans les scénarios les plus pessimistes, des propos violents peuvent conduire à des actions violentes. Je me réjouis que les citoyens, dans le cadre du panel des citoyens européens, aient reconnu les risques de discours haineux et formulé des recommandations claires et ambitieuses pour lutter contre les discours haineux”.

Si vous désirez contribuer au débat en ligne en cours sur la lutte contre la haine dans la société, cliquer ici.

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